Mauritanie: Le poids des traditions et des confréries
· Veillées de chants soufis dans les mosquées
· «La foi permet de tout transcender, aller au-delà de ses possibilités»
«UN mois de grande piété, de sobriété et de pardon…» Les Mauritaniens résument ainsi l’esprit du mois sacré. Le pays du million de poètes, appelé aussi le pays des Chinguettis (appellation qui signifie le puits du cheval), vit Ramadan avec beaucoup de philosophie et de sagesse.
«Chez nous, Ramadan se vit dans la pure tradition de l’abstinence, la simplicité, voire l’austérité des fois», explique un jeune Mauritanien installé à Casablanca. La rudesse du climat rend le jeûne très contraignant dans ce pays. L’aridité en Mauritanie, rappelons-le, est extrême presque partout. Le climat est chaud et sec. Ce qui rend éprouvant l’abstinence: «Les vieux jeûnent au risque de leur vie. Il y a plusieurs cas de déshydratation durant le mois sacré», témoigne un journaliste mauritanien. «Chez nous, la tradition veut que la foi permette de tout transcender, aller au-delà de ses possibilités apparentes, tient-il à préciser. Et d’ajouter, l’air solennel: «Nous sommes convaincus que c’est dans la souffrance la plus atroce que Dieu reconnaîtra les siens».
Les vieilles traditions des tribus et les rituels pèsent de tout leur poids. A l’instar du Mali et du Sénégal (www.leconomiste.com), la Mauritanie compte plusieurs confréries. Les principales restent incontestablement celles des Tidjanis et des Hamalistes (une confrérie d’origine malienne).
Que ce soit chez les maures (tribus d’arabes noirs et blancs basés au Nord et à l’Est), les samasites (tribu de l’ex-président Ould Taya), Ouled Dlim ou encore les Esbihis… la tradition est partout la même pendant le mois sacré: «le jeûne est un devoir mais en même temps il n’y a pas de contrainte». La tolérance est aussi de mise «tant que chaque individu est responsable devant Dieu», poursuit le journaliste.
Le jour, les horaires de travail sont réduits et l’activité de production tourne au ralenti.
En attendant la rupture du jeûne dans les grandes villes, les Mauritaniens passent leur après-midi à flâner dans les souks.
Les marchés des villes sont inondés de fruits et légumes et articles fabriqués ou en provenance du Maroc. Le made in China n’épargne pas les étalages et devantures des magasins de Nouadhibou, Kaédi, Kiffa ou encore Nouakchott.
Au coucher du soleil, petits et grands jubilent et se réunissent autour de la table. Pour rompre leur jeûne, les Mauritaniens font tout dans la simplicité: lait caillé et mélangé à de l’eau et du sucre, dattes, de la bouillie de céréales et du jus d’oseille.
Le thé vert à la menthe se boit corsé et sans modération. Après, jeunes et adultes vaquent à la prière du Maghreb. Au retour, on sirote le thé accompagné généralement d’un tagine, le Benava. Un pot-au-feu sans légumes composé de sauce et de viande d’agneau, de chèvres ou de chameau. D’autres encore ont une préférence pour le méchoui avant d’enchaîner avec la prière d’Al Ichaa et les Tarawihs jusque tard dans la soirée. Les mosquées sont bondées d’enfants, de jeunes et de personnes âgées. Tout le monde s’y rend quel que soit l’âge.
Le soir, les cafés et salons de thé ne sont pas très fréquentés en Mauritanie. Les jeunes se rassemblent dans les quartiers et discutent de sujets d’actualité: «la nouvelle équipe au pouvoir, la moralisation de la vie politique, les gisements pétroliers, la lutte contre la corruption, la revalorisation des salaires…».
Parallèlement, des veillées de chant soufi sont tenues dans plusieurs quartiers et mosquées. Certaines familles font preuve d’une grande générosité, invitent proches et amis… et égorgent des bœufs ou des moutons pour des veillées à l’occasion. L’aumône et la charité deviennent fréquentes: l’on donne beaucoup d’argent et surtout du pain de sucre aux personnes âgées même si elles ne sont pas dans le besoin. C’est surtout durant la nuit sacrée que les dons et zakat deviennent importants.
Les nantis achètent des centaines de kilos de pain de sucre qu’ils distribuent aux nécessiteux et aux vieux pour qu’ils prient pour eux. «Pour nous, les personnes âgées sont dépositaires de l’histoire, de la tradition et de la sagesse. Elles ont la Baraka!»
Une manière de rendre hommage à la sagesse des vieux.
Source : L’Economiste
Laisser un commentaire