Les veillées du qat au Yémen
· La consommation de cette substance euphorisante, un phénomène de société
· Al Jambia, symbole de virilité et d’honneur
«L’Arabie heureuse ou Arabia Felix», c’est en ces termes que l’on appelait le Yémen. Et c’est l’esprit qui revient durant le mois sacré. «A chaque coucher du soleil, la rupture du jeûne donne lieu à une fête familiale, une ambiance euphorique», tient à préciser Yahia Hani, jeune étudiant yéménite qui vient de s’installer à Casablanca. Le Yémen, c’est aussi le pays de la reine de Saba. Pendant le mois sacré, ce pays retrouve ses habitudes d’antan: celles d’un monde bien différent, encore régi par des tribus aux traditions tenaces et complexes. Les mots d’ordre sont: hospitalité, simplicité et modestie. «Les Yéménites sont surtout réputés pour leur droiture et leur naturel», s’enorgueillit l’étudiant. Parmi l’une des plus fortes traditions locales, le port de la «Jambia», sorte de poignard porté en bandoulière, souligne Hani. Selon ce dernier, «c’est l’une des spécificités locales des hommes et des garçons du pays». Cette tradition identitaire renvoie aux valeurs de virilité et d’honneur des hommes et des garçons. Dès leur bas âge, les chérubins yéménites sont initiés au port de la Jambia, mais… en bois. Pour exprimer leur bonheur, pendant les soirées, les fêtes et les moments forts de Ramadan, les hommes sortent leur poignard de son étui et commencent à danser en brandissant les lames au-dessus de leur tête. Le jour, le rythme est tout autre. L’activité professionnelle tourne au ralenti durant le mois sacré. Dans les administrations par exemple, les horaires de travail vont de 11 à 16 heures. Le matin, les rues sont désertes. L’activité diurne ne commence qu’en début d’après-midi après la prière. Le climat n’arrange pas non plus la situation. Il est presque partout désertique, très chaud et humide le long de la côte ouest. A l’est du pays, c’est le désert. Il fait très chaud et sec. Du coup, «le jour devient nuit et vice versa», précise Hani. D’autant plus que, poursuit-il, les échoppes et les souks restent ouverts jusqu’à l’aube. Au f’tour, les Yéménites se mettent par terre (Qaada arabi). F’tour et dîner sont servis séparément.
· Des souks bigarrés
Après les dattes et le café pris léger et sans sucre, il faut faire sa prière du Maghreb avant de poursuivre son f’tour. La famille partage les entrées: shorba (soupe aux lentilles ou à l’avoine, soupe aux légumes) et le réputé Shafuut: un pain au yaourt, herbes et viandes. Vient ensuite la Sambousa: un mets à base de viandes et d’oignons ou encore Al Fatta, délicieux dessert, pris en général en début de repas. Ce dessert est composé de pain, banane écrasée et miel. Peu de temps après ce cérémonial, les Yéménites vaquent aux mosquées pour la prière d’Al Ichaa et les Tarawihs. Les dix dernières soirées du mois sont dédiées exclusivement aux prières (Al Qyame). Au Yémen, la religion est omniprésente dans tous les aspects de la vie sociale. «La Charia est la source de toutes les lois», précise Yahia. Normal, poursuit-il, Yémen est dérivé du mot «yamine» qui signifie «la droite». Les Yéménites tirent une grande fiérte du fait que leur pays est situé à droite de La Mecque. Ce qui a une forte charge symbolique pour les fidèles qui s’orientent cinq fois par jour vers la Ville sainte lorsqu’ils prient. Au retour à la maison après les Tarawihs qui se poursuivent tard dans la nuit, le dîner est servi peu de temps après. Généralement, ce sont des soupes et des pot-au-feu traditionnels. «Al Assid» et la salta (soupe à base de viande épicée et soupe-sauce à base de légumes, de viande de mouton et surtout de fenugrec) sont particulièrement appréciés. Autre mets local prisé, le lahram Ranan: un plat à base de viande de chèvre cuite au four, dans une feuille de bananier. Sans oublier tiagda, une viande cuisinée avec des légumes, sauce tomate et épices. Comme en Arabie saoudite, le riz à la viande (Al Kabssa) est incontournable. Au dessert, ce sont les fruits ou la Mahallabia qui dominent. Le thé noir est de mise après le dîner. Après, rebelote dans les souks. Pendant le mois sacré particulièrement, Sanaa est à son tour gagnée par la société de consommation. Bédouins et citadins préfèrent déambuler dans les labyrinthes de ruelles et des souks: un lieu de socialisation entre les systèmes de valeurs du monde tribal et ceux du monde urbain. Epices, tissus, provisions, encens, provisions… les souks sont très bigarrés. «Que ce soit à Sanaa, Ta’izz, Aden ou encore Hadramaoute, vous êtes toujours au Yémen, mais chaque ville et chaque mouhafazeh a ses propres couleurs, ses propres senteurs, ses propres spécialités», poursuit Hani qui rappelle que, depuis la réunification du Yémen du Nord et du Yémen du Sud, le pays est divisé administrativement en 19 gouvernorats. Hadramoute par exemple est la ville par excellence du commerce. Située dans le Sud-Est, cette ville et l’origine des Ben Laden. Ici, la coutume veut que les hommes portent des jupes et des chemises, alors que les femmes sont emmitouflées dans des draps, explique le jeune étudiant. Selon lui, il y a très peu d’animation le soir dans les villes. «Le café n’est pas dans notre culture» Mis à part la prière et les visites des familles, ce sont les soirées du qat (Al Maquil) qui rafflent la vedette. C’est un rite de cohésion sociale, précise Yahia Hani.
Léger euphorisant, le qat est une véritable institution au Yémen, un phénomène de société. Hommes, femmes et enfants en consomment sans modération le soir. «C’est un pivot de la vie sociale. Sa particularité réside essentiellement dans le rite éminemment convivial qui accompagne sa consommation», poursuit Yahia. La mastication du qat se caractérise par des séances de crachotement ininterrompu et se fait toujours accompagnée d’eau fraîche et de la possibilité de fumer le narguilé. En plus du narguilé, les Yéménites fument aussi Al Madaâ. Un narguilé traditionnel plus grand qui permet de fumer Al Jirak (tabac noir) ou encore le tabac jaune brut.
Source : L’Economiste
sarvenaz says
Bonsoir,
Ramadhan mobarak; ce kat ne serait-il pas interdit par l’islam puisque tout ce qui est euphorisant l’est ?
C’est une drogue, ni plus ni moins. Ce pays m’étonne vraiment, autant il est renfermé et dur d’un côté, mariant les filles, malgré elles, à 12 et 13 ans, ne leur permettant pas le savoir. Une autre contradiction alors que le Prophète Mohammad (saws) nous recommande de chercher le savoir même en chine.
Le kat est une drogue !
salam
Sonia says
Bonsoir et bon Ramadan à vous aussi. Effectivement le Yémen me parait mystérieux comme pays, puisque je n’y suis jamais allée. Je ne saurai pas dire comment eux voient la chose en ce qui concerne le kat… Il est tout de même intéressant de voir comment les musulmans à travers le monde fêtent Ramadan. A bientôt 🙂
la nonna says
beau reportage..merci